Le chanteur de jazz (1927)

Impossible de débuter ma modeste anthologie de la comédie musicale sans évoquer « Le chanteur de jazz ». Ce film de la Warner Bros n’est pas moins que le premier film complètement parlant de l’histoire du cinéma. Auparavant les foules devaient se contenter de films muets, les rares dialogues étant indiqués par des intertitres (des plans fixes de texte). Un pianiste la plupart du temps accompagnait les images directement dans la salle de cinéma afin d’amplifier l’aspect dramatique ou humoristique de la scène en cours. Le jeu des acteurs était passablement caricatural afin de ne pas laisser d’ambiguïté sur la nature des sentiments des protagonistes.

« Le chanteur de jazz » réalisé par Alan Crosland n’est pas à mes yeux un chef d’oeuvre et je ne crois pas qu’aucun livre dignement documenté sur le cinéma ne le prétende. Il n’a pas sombré dans l’oubli principalement pour l’innovation exceptionnelle qu’il fut. Il me semble qu’il est intéressant de le voir comme un document historique révélateur d’une époque. De plus, on ne s’ennuie pas lors de son visionnage.

L’histoire : Jackie (Al Jolson) est le fils du chantre Rabinowitz qui chante à la synagogue à toutes les célébrations. Celui-ci espère que son rejeton le deviendra à son tour à l’image de tous ses ancêtres. Or Jackie n’a aucun intérêt pour cette carrière. Son rêve est de devenir chanteur de jazz. Suite à une violente dispute, Jackie quitte définitivement le domicile familial, au grand désespoir de sa mère adorée. Quelques années après, Jackie, chanteur en pleine ascension. a été repéré par la belle Mary (May McAvoy), actrice connue : il tient sa chance pour devenir une immense vedette ! Mais c’est sans compter sur sa famille qui va se rappeler à lui.

Autant vous prévenir d’emblée, il ne s’agit pas d’une comédie mais d’un mélodrame avec happy end. Dès les premières images, on a droit à une bande-son désuète. Al Jolson, qui joue le personnage principal, était en 1927 une grande star de music hall, interprète de Gershwin. Le scénario est d’ailleurs largement inspiré de sa vie. Il y interprète ses plus grands succès. Ceux-ci ne ressemblent pas à du jazz tel qu’on l’entend aujourd’hui. Cela sonne comme de la variété qui aurait méchamment vieilli tant au niveau de l’orchestration que de l’interprétation. Al Jolson nous gratifie de nombreuses gesticulations, yeux exorbités. Ce qui sauve sa prestation n’est certainement pas sa voix très datée, mais sa grande sincérité. Le réalisateur Alan Crosland a aussi su rythmer efficacement l’intrigue, notamment au moyen des échanges épistolaires entre mère et fils.

Le sujet du film toujours d’actualité – se réaliser malgré le poids des traditions et la pression familiale – peut toujours nous parler. Cette oeuvre m’a permis d’apprendre deux choses : elle donne d’une part un aperçu des traditions juives, je n’avais absolument aucune connaissance des chantres et de leur importance dans les célébrations juives. D’autre part, elle est un terrible rappel du racisme régnant à l’époque : Al Jolson dans son numéro principal se grime en noir ; il n’était pas possible en 1927 pour un chanteur noir de se produire devant un public blanc. Les minorités n’avaient pas de droit de citer sur le grand écran et étaient systématiquement incarnées par des acteurs blancs grimés. Triste enseignement de ce film mais rappel salutaire d’une histoire peu glorieuse !

Pour en savoir + : Wikipedia

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